La nuit est
limpide,
L'étang
est sans rides,
Dans le ciel
splendide
Luit le croissant
d'or.
Orme, chêne
ou tremble,
Nul arbre ne
tremble,
Au loin le bois
semble,
Un géant
qui dort.
Chien ni loup
ne quitte,
Sa niche ou son
gîte,
Aucun bruit n'agite
La terre au repos.
Alors dans
la vase
Ouvrant en extase
Leurs yeux de
topaze
Chantent les
crapauds.
II
Ils disent :
Nous sommes
Haïs par
les hommes,
Nous troublons
leurs sommes
De nos tristes
chants.
Pour nous point
de fêtes,
Dieu seul sur
nos têtes,
Sais qu'il nous
fit bêtes
Et non point
méchants.
Notre peau terreuse
Se gonfle et
se creuse
D'une bave affreuse,
Nos flancs sont
lavés
Et l'enfant qui
passe
Loin de nous
s'efface,
Et pâle
nous chasse
A coup de pavés.
IV
Nous aimons la
mare
Qu'un reflet
chamarre,
Où dort
à l'amarre,
Un canot pourri,
Dans l'eau qu'elle
souille,
Sa chaîne
se rouille,
La verte grenouille
Y cherche un
abri,
Là, la
source épanche
Son écume
blanche,
Un vieux saule
penche,
Au milieu des
joncs.
Et les libellules
Aux ailes de
tulle
Font crever des
bulles
Au nez des goujons.
III
Des saisons entières
Dans les fondrières,
Un trou sous
les pierres,
Est notre réduit.
Le serpent en
boule
Près de
nous s'y roule.
Quand il pleut,
en foule
Nous sortons
la nuit,
Et dans les salades,
Faisant des gambades,
Pesants camarades,
Nous allons manger,
Manger sans grimace,
Cloporte ou limace
Ou ver qu'on
ramasse
Dans le potager.
V
Quand la lune
plaque
Comme un vernis
laque
Sur la calme
flaque
Des marais blafards.
Alors symbolique
Et mélancolique,
Notre lent cantique
Sort des nénuphars.
Orme, chêne,
ou tremble,
Nul arbre ne
tremble
Au loin le bois
semble
Un géant
qui dort
La nuit est limpide,
L'étang
est sans ride,
Dans le ciel
splendide
Luit le croissant
d'or.